En mars 2025, la France assistera à un renouvellement crucial au sein du Conseil constitutionnel, marqué par la fin du mandat de son président, Laurent Fabius, et le remplacement de trois membres de cette institution clé. Ce moment ouvre la porte à une réflexion sur le mode de désignation des membres du Conseil, actuellement critiqué pour son opacité et sa dépendance au pouvoir exécutif. Et si l’élection des membres par le peuple devenait une réalité, permettant à la France de progresser dans le respect de la souveraineté populaire et de sa Constitution ?
Le Conseil constitutionnel : garant de la Constitution et des droits fondamentaux
Créé en 1958, le Conseil constitutionnel joue un rôle fondamental :
• Contrôler la conformité des lois avec la Constitution.
• Protéger les droits fondamentaux des citoyens.
• Assurer l’équilibre entre les pouvoirs.
Cependant, son mode de nomination actuel, qui repose sur des décisions prises par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, suscite des critiques. Ce processus centralisé est souvent perçu comme une entrave à son indépendance et un frein à sa légitimité démocratique.
La souveraineté du peuple au cœur de la démocratie française
L’article 1er de la Constitution française affirme que la République est « indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Quant à l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), il stipule que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Pourtant, le mode actuel de désignation des membres du Conseil constitutionnel semble éloigné de cette souveraineté populaire.
La proposition d’élire les membres du Conseil au suffrage universel direct incarnerait une véritable mise en œuvre de ces principes, en rendant cette institution clé directement responsable devant les citoyens.
Une innovation pour moderniser la démocratie française
Élire les membres du Conseil constitutionnel par le peuple transformerait cette institution en un véritable gardien démocratique de la Constitution, avec des bénéfices considérables :
1. Renforcer la souveraineté populaire :
L’élection des membres au suffrage universel direct garantirait que le Conseil constitutionnel reflète la volonté populaire, tout en restant ancré dans une expertise juridique et éthique solide.
2. Rehausser la légitimité démocratique :
Comme le souligne le politologue Pierre Rosanvallon, la démocratie contemporaine ne se limite pas au vote, mais doit inclure des institutions « proches des citoyens et redevables devant eux ». Permettre aux Français de choisir les gardiens de leur Constitution incarnerait cette idée.
3. Garantir l’indépendance :
Déconnecter le processus de nomination du pouvoir exécutif et législatif renforcerait l’autonomie du Conseil, indispensable pour juger impartialement des lois et décisions politiques.
4. Favoriser la diversité et l’expertise :
L’élection populaire n’exclurait pas des critères stricts pour les candidats : une expertise reconnue en droit constitutionnel ou en droits fondamentaux serait exigée, garantissant un équilibre entre compétence et représentativité.
Modalités pratiques de cette réforme
1. Une élection pluraliste :
Les candidats pourraient être issus de différents horizons : universitaires, magistrats, représentants de la société civile, etc. Une commission indépendante veillerait à valider les candidatures selon des critères précis, tels que l’expérience juridique ou la probité.
2. Un mandat limité et non renouvelable :
Les membres pourraient être élus pour un mandat unique de neuf ans, avec un renouvellement par tiers tous les trois ans, assurant une continuité dans l’expertise tout en permettant un renouvellement régulier.
3. Un mode de scrutin adapté :
Chaque citoyen pourrait voter pour des candidats à l’échelle nationale ou régionale, selon un scrutin à un ou deux tours. Ce modèle garantirait à la fois diversité et représentativité.
Une transformation saluée par la sociologie et la science politique
Les grands penseurs de la démocratie contemporaine soulignent l’importance d’une gouvernance fondée sur la participation citoyenne. Habermas, par exemple, insiste sur la nécessité de créer des institutions où le peuple peut exercer son pouvoir dans un cadre délibératif et transparent.
De plus, le sociologue Michel Crozier avait identifié dans « L’acteur et le système » la centralisation excessive comme un frein au développement démocratique. Une réforme du mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel romprait avec cette logique centralisatrice.
Une révolution démocratique dans le respect de la Constitution
Le passage à une élection populaire des membres du Conseil constitutionnel ne serait pas qu’une innovation technique : il s’agirait d’un progrès civilisationnel, en alignant les institutions françaises avec les principes fondamentaux de la République et en répondant aux aspirations citoyennes pour plus de participation et de transparence.
Ce projet offrirait à la France une opportunité unique de consolider son système démocratique, tout en respectant et renforçant sa Constitution. Il enverrait un message fort : dans une République moderne, le peuple doit être au centre de toutes les décisions, y compris dans la composition des institutions les plus fondamentales.
Le rendez-vous de 2025 pourrait être le point de départ d’un débat historique. En élevant le Conseil constitutionnel au rang d’une institution véritablement démocratique, la France donnerait un exemple inspirant au monde, en rappelant que la souveraineté populaire est le socle de toute démocratie digne de ce nom.