Massif, vraiment ?

Quand le langage politique s’alourdit au lieu d’éclairer

Parfois, un mot en dit plus long que tout un programme.

« Ce que nous appelons réalité est souvent le plus grand des consensus : celui qu’on ne questionne plus. »

— librement inspiré de Pierre Bourdieu


🪨 Un mot devenu refuge : “massif”

On l’entend partout :

investissement massif,

réforme massive,

mobilisation massive,

plan massif pour l’école, pour la santé, pour la sécurité…

Le mot est martelé avec conviction.

Il semble rassurer : il évoque l’ampleur, la volonté, l’action.

Mais ce masse-mot est-il vraiment porteur de solutions ?

Ou est-il devenu un refuge rhétorique, un effet d’annonce ?


⚙️ L’étymologie ne ment pas

Le mot massif vient du latin massa : un bloc, une matière dense.

Ce qui est massif est plein, lourd, imposant

et parfois, immobile.

En architecture, un objet massif est souvent beau,

mais pas ajustable.

Il dure… parfois au détriment du vivant.

Dans l’action publique, cette idée est doublement problématique :

peut-on répondre à la complexité du réel avec des réponses massives ?


🧠 Quand les philosophes parlent à notre époque

Michel Foucault nous a appris à nous méfier du langage du pouvoir.

Ce n’est pas dans les décrets, mais dans les mots que s’installe la domination.

Quand un gouvernement dit “massif”, que cherche-t-il à dissimuler ?

L’ampleur du problème ? Le manque de précision ? L’urgence de communication ?

Pierre Bourdieu, lui, aurait vu dans cette inflation lexicale

une violence symbolique :

on donne l’illusion de faire, en imposant les termes du débat.

Et Hannah Arendt nous rappelle dans La crise de la culture :

“Le mal radical, c’est l’incapacité à penser que l’autre est un autre.”

Le mot massif, par nature, écrase la nuance.

Il évacue la diversité des besoins, des situations, des vécus.


🎧 Un contrepoint inattendu : Massive Attack

Et puis, il y a ce souvenir, ce clin d’œil culturel.

Massive Attack.

Un groupe né dans les années 90 à Bristol.

Pionnier du trip-hop, ce genre lent, mélancolique, hybride.

Le nom évoque une attaque brutale.

Mais leur musique, elle, rampe, suggère, trouble doucement.

C’est une attaque par l’intérieur, par les marges, par la lenteur.

Et si, au lieu d’agir “massivement”,

nous apprenions à agir comme eux ?

Avec justesse, subtilité, attention ?


🧩 Pour une politique des petits gestes justes

Ce dont l’école a besoin, ce dont les hôpitaux, les quartiers, les gens ont besoin,

ce n’est pas d’un mot puissant lancé depuis une tribune.

C’est d’une politique attentive, locale, humaine.

Un soutien ciblé vaut plus qu’un slogan massif.

Une réforme humble vaut mieux qu’une annonce tapageuse.

Et parfois, une écoute sincère vaut mille plans nationaux.


📚 Redonner du sens aux mots

Alors non, je ne veux pas jeter aux orties le mot massif.

Mais je veux qu’il retrouve du sens.

Qu’on n’en fasse plus un camouflage,

mais une promesse pesée, ajustée, pensée.

Car à force d’agir massivement,

on risque de passer à côté du réel,

ce réel qui, lui, avance doucement —

et attend qu’on lui parle autrement.


💬 Et vous ?

Quels mots vous semblent aujourd’hui vides de sens dans le langage public ?

Avez-vous, vous aussi, cette impression que la communication l’emporte parfois sur l’action réelle ?

Partagez vos réflexions en commentaire ou poursuivons le dialogue.

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