Les chariots de Gédéon, dans le Livre des Juges, n’étaient pas les instruments d’une guerre d’anéantissement. Ils étaient le symbole d’une victoire improbable, obtenue non par la force brutale, mais par l’obéissance à une voix intérieure, celle de l’Éternel. Aujourd’hui, les tanks qui écrasent Gaza n’ont plus rien à voir avec ce récit biblique. Ce sont d’autres chariots, de métal et de feu, lancés non au nom de la foi, mais au nom d’un pouvoir devenu sourd aux paroles mêmes qui l’ont fondé.
Une mémoire trahie
La Torah est explicite : “Tu aimeras l’étranger comme toi-même, car vous avez été étrangers en Égypte.” (Lévitique 19:34). Cette injonction n’est pas un supplément d’âme. Elle est le cœur battant du judaïsme. Israël, État fondé après la Shoah, se devait d’être une lumière pour les nations, un exemple de justice, non un imitateur des empires brutaux. En colonisant, en asphyxiant, en bombardant sans retenue Gaza, l’État d’Israël tourne le dos à ce serment moral.
Les enfants tués sous les gravats, les hôpitaux visés, les familles déplacées à répétition… Quel verset justifie cela ? Où est la sagesse des anciens, la justice des prophètes, la pudeur des patriarches ? Ce n’est plus la voix de Moïse que l’on entend, mais celle de Pharaon.
Gédéon n’est pas César
Gédéon ne voulait pas régner. “Je ne régnerai point sur vous, ni moi ni mon fils : c’est l’Éternel qui régnera sur vous.” (Juges 8:23). Aujourd’hui, ce refus de la domination est enterré sous des tonnes de béton. Les colons armés s’installent, les ministres parlent de « réinstaller Gaza », et l’armée agit comme un outil de purification territoriale.
Non, ce n’est pas là le judaïsme. Ce n’est même plus une politique : c’est une perte de repères, une confiscation du divin par des logiques de conquête.
Un judaïsme d’occupation ?
Certains voudraient faire croire qu’il est interdit, pour un Juif, de critiquer Israël. D’autres hurlent au blasphème si l’on ose associer judaïsme et colonisation. Pourtant, la vraie trahison, c’est de garder le silence. Car aimer Israël, c’est l’aimer assez pour refuser qu’il devienne ce contre quoi il s’est construit.
Les sages du Talmud enseignaient que “la force véritable n’est pas celle qui détruit, mais celle qui contient la colère”. Où sont les maîtres de la retenue aujourd’hui ? Qui, dans le gouvernement israélien, se souvient encore du feu du Buisson ardent, qui brûle mais ne consume pas ?
Conclusion : revenir à la source
Les chariots de Gédéon étaient peu nombreux, guidés par la foi, non par la supériorité technologique. Ce n’étaient pas des armes d’occupation, mais des instruments d’émancipation. Ce que l’on voit aujourd’hui à Gaza n’est pas une guerre juste : c’est une perte d’âme.
Et si Israël veut survivre, non seulement politiquement mais moralement, il lui faudra descendre de ces chars, briser les idoles de la force, et revenir aux sources de la Torah : justice, compassion, et respect de la vie humaine.