En France, le débat sur les retraites tourne presque toujours autour d’un seul axe : faut-il repousser l’âge légal, de 62 à 63 ou 64 ans ? Cette approche comptable, qui ne prend en compte que la durée de cotisation, oublie une question essentielle : et si la vraie réforme consistait non pas à travailler plus, mais à mieux répartir les richesses déjà produites ?
Le constat : des marges énormes autour des seniors
Chaque année, la population âgée alimente des marchés extrêmement lucratifs :
- Médicaments et soins : près de 20 milliards d’euros de marges.
- Tourisme senior (voyages, loisirs) : environ 15 milliards.
- Loyers des seniors locataires : 6,3 milliards.
- Assurances complémentaires santé et dépendance : 6 milliards.
- Aides techniques (lunettes, prothèses auditives, etc.) : 10 milliards.
- Produits de consommation ciblés (alimentation, bien-être, cosmétiques) : 8 milliards.
- Services à domicile, technologies adaptées, transports spécialisés, résidences privées : plusieurs milliards supplémentaires.
À cela s’ajoutent :
- Des niches fiscales (3 milliards),
- Des profits financiers sur l’épargne et placements seniors (0,3 milliard),
- Des économies possibles en santé et gestion hospitalière (près de 6,5 milliards),
- Et une meilleure lutte contre la fraude (8 milliards).
Au total, on approche 115 milliards d’euros annuels.
Une autre voie est possible
Ces marges, aujourd’hui captées par des acteurs privés, pourraient être réorientées dans le cadre d’un grand service public de la retraite et du grand âge. L’idée est simple : transformer une partie de ces secteurs en coopératives publiques ou les soumettre à une régulation forte pour que les excédents servent à financer la solidarité.
Ce que cela permettrait
- Ramener l’âge légal de la retraite à 60 ans, sans déséquilibrer le système.
- Créer un réseau public d’EHPAD accessibles à tous, sans condition de cotisation.
- Alléger la pression immobilière en proposant des logements seniors en zones rurales, moins coûteux, mais bien équipés médicalement.
- Garantir des soins et services de qualité, sans dépendre des logiques de rentabilité des grands groupes.
Une réforme de la retraite, pas des retraites
Cette vision change la logique même du débat. Il ne s’agit plus seulement de gérer un déficit comptable, mais de repenser la place des aînés dans notre société : la retraite comme un droit à la dignité, financé par une meilleure répartition des richesses.
Plutôt qu’une réforme des retraites (pluriel, purement budgétaire), il faut une réforme de la retraite (singulier, politique et sociale).
👉 Qu’en pensez-vous ? La retraite à 60 ans financée par les marges du privé autour des seniors est-elle une utopie, ou une piste réaliste pour refonder notre pacte social ?